Hétérogénéité phénotypique de l’autisme : conférence de Laurent MOTTRON

Vous l’aurez deviné, j’aime énormément les idées de Laurent Mottron et son équipe. Je vous invite à visionner cette vidéo de presque 1 heure et/ou à lire la transcription que je vous livre ci-dessous (plagiat intégral avec peut-être des erreurs et/ou des incompréhensions).

Si vous remarquez des erreurs, des fautes de compréhension (son discours n’est pas toujours simple), merci de bien vouloir me le faire remarquer.

 

https://vimeo.com/92823710

 

L’hétérogénéité phénotypique de l’autisme fait obstacle au diagnostic catégoriel de l’autisme mais informe sur ses mécanismes génétiques, neurologiques et cognitifs.

 ==> Sous le diagnostic d’autisme, on trouve des personnes très différentes.

Le DSM 4 classait les troubles en 5 sous-catégories (sous-groupes catégoriels) dont 3 consacrés à l’autisme (Autisme, Asperger et TED)

 Le DSM 5 abandonne cette classification pour adopter une approche catégorielle unique ==> Autiste ou non

Pour apporter une certaine variabilité, il introduit 4 spécificateurs qui mesurent :

  • Le niveau de langage
  • Le niveau d’intelligence
  • La nature des pathologies associées (comorbidités)
  • La sévérité (adaptation)

Si on se réfère au niveau de langage, et en s’appuyant sur le DSM 4, avec un niveau de langage bas, on était autiste. Avec un niveau de langage élevé, on était Asperger. Lorsque l’on était à la frontière, on pouvait basculer vers l’autisme ou l’Asperger. Avec le DSM 5, le niveau de langage est mesuré sur une échelle graduée. On est autiste ou non et avec un niveau de langage qui peut être mesuré finement. On est seulement plus ou moins bon quant au niveau de langage. La gradation est plus précise dans le DSM 5 et évite ce basculement arbitraire. Le DSM 5 introduit donc une démarche dimensionnelle avec une échelle par exemple de 0 à 100 pour chaque spécificateur.

Les anciens « TED » peuvent avoir un niveau de langage allant de 0 jusqu’à un niveau très supérieur à la normale

Les spécificateurs sont des acteurs d’hétérogénéité et qui introduisent des variables dimensionnelles.

Si on est atteint de pathologies associées, sclérose tubéreuse, X fragile, ce ne sera pas le même autisme que sans ces pathologies associées.

De la même manière, si deux autistes portent un gène impliqué différent, leur autisme se manifestera différemment.

Dans le DSM 4, avec un niveau de langage bas, on était autiste, et avec un niveau de langage élevé, on était Asperger. C’est une approche catégorielle et non dimensionnelle. Or, le niveau d’intelligence peut aussi être très élevé avec aucun langage.

Les variations des 4 spécificateurs du DSM 5 masquent-elles des sous-groupes catégoriels ?

Variabilité langagière ==> Spécificateur DSM 5 : langage 

  • Sans langage oral : moins de 10% des autistes
  • Avec langage tardif mais intact : 30 à 40%
  • Avec SLI (Spécific Language Impairement – Dysphasie, Dyspraxie) et langage autistique sans déficience intellectuelle : moins de 20% (vrai trouble du langage, langage simplifié)
  • Avec langage tardif et simplifié et déficience intellectuelle : Environ 15%
  • Avec langage précoce et supérieur : 20% (anciens véritables Asperger). Ce sont des personnes qui parlent mieux que des personnes typique à QI équivalent.

Le niveau de langage est-il une variable dimensionnelle ? Lorsque le curseur bouge, y-a-t-il des seuils, des décrochements ?

 Avec quoi le retard de parole s’agrège-t-il ? Quels sont les signes autistiques qui sont le plus susceptibles d’apparaître dans ces conditions ?

 Le retard de parole s’agrège avec des habiletés visio-spaciales mais aussi avec une meilleure discrimination sonore qui est supérieure à celles des Asperger elle-même semblable à celle des personnes typiques.

Les autistes avec retard de parole ont aussi une inspection visuelle 30% plus rapide à niveau d’intelligence équivalent dans le groupe contrôle.

Le retard de parole s’agrège avec des pics de performance visuels et auditifs

La parole précoce s’agrège avec des pics de performance langagiers

L’Asperger n’a pas un niveau de langage normal. Il est supérieur au niveau du vocabulaire et quant à l’appréhension des similitudes ==> Intelligence verbale.

L’Asperger est un sur fonctionnement langagier

Avec quoi la parole précoce s’agrège-t-elle dans un contexte autistique ?

Christopher Gillberg avait décrit une corrélation entre parole précoce et maladresse motrice chez les Asperger.

Les équipes de Mottron ont montré ==> Pas de vélo avant 12 ans pour les autistes à langage précoce et vélo vers 4 ans pour les autistes mutiques.

Seuls les autistes qui parlent tôt ont une infériorité motrice par rapport au groupe contrôle.

Dans les domaines de la dextérité, la coordination bi-manuelle et la motricité fine ==> Les Aspergers sont < aux autistes

Le langage précoce associé à l’hyperactivité est beaucoup plus présent chez les Asperger

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Des autistes non verbaux jusqu’à 4 ans ont entre 1 à 3 ans d’avance en décodage par rapport à des enfants typiques !

Ils peuvent lire à 2 ans, soit bien avant l’âge de leur QI 

Variabilité en niveau d’intelligence ==> Spécificateur DSM 5 : niveau cognitif

Catégoriel : avec des seuils

Dimensionnel : continu sans seuils

Le niveau d’intelligence dans l’autisme est-il une variable dimensionnelle ? Dons continue et sans seuils ?

Notion capitale dans le phénomène de compréhension du phénotype autistique. Elle remet en cause les notions d’autisme primaire et secondaire, d’autisme prototypique et syndromique, et de déficience intellectuelle vraie et fausse (par sous stimulation ou mauvaise évaluation)

Les autistes sont bien meilleurs au RAVEN (test non verbal) qu’au Wechsler (test verbal) ==> Testés avec le Wechsler, ils risquent de rater et passer pour avoir un QI faible !

Les 2 principaux trajets développementaux langagiers (avec retard de parole et sans retard de parole) s’agrègent avec 2 sortes de redédications corticales.

La redédication corticale, c’est faire avec une partie du cerveau ce que les personnes typiques font avec une autre.

Cross Modal Plasticity ==> Plasticité cérébrale, redistribution corticale

Les aveugles réaffectent les aires visuelles à la sphère auditive

Possible en moins d’un an

Avec retard de parole (Autiste)

Les redédications corticales dans l’autisme sont liées à des pics d’habiletés. Les zones associatives sollicitées seront différentes selon ce qui est visualisé par exemple. Les zones seront différentes selon que le sujet regarde des objets, des visages ou des caractères imprimés.

Les autistes utilisent plus leur perception dans leur intelligence que les personnes typiques. Chez les autistes, la perception réalise des tâches plus compliquées. Les personnes typiques passent très rapidement de la perception au langage et aux tâches exécutives. Ce n’est donc pas un sur fonctionnement chez l’autiste mais une augmentation du rôle de la perception dans l’intelligence.

Sans retard de parole (Asperger)

Redédications des zones langagières et motrices

Lorsque l’on fait entendre un son à un Asperger, il va se produire une énorme sur activation dans les zones auditives qui vont venir empiéter sur les aires motrices (ce qui explique en partie certaines comorbidités chez les Asperger). Il n’y a pas de sur fonctionnement perceptif auditif comme chez les autistes qui vont eux solliciter leurs aires auditives primaires quand ils entendent des sons et moins leurs aires associatives alors que les Asperger vont avoir une grosse redédication corticale qui va empiéter sur les aires du langage et motrices.

Variabilité en sévérité ==> Spécificateur DSM 5 : sévérité

Comment la sévérité interagit-elle avec le niveau d’intelligence et de langage ?

Etre plus autiste ne veut pas dire que l’on est moins intelligent.

Il n’y a pas non plus de corrélation entre âge d’apparition du langage et intelligence à l’âge adulte.

Variabilité génétique ==> Spécificateur DSM 5 : conditions associées

Etre atteint de sclérose tubéreuse, de neurofibromatose ou être porteur de l’X fragile va faire varier le niveau d’autisme.

Certains gènes sont fortement impliqués dans l’autisme syndromique :

 FMR1                      ==> X fragile

TSC1/TSC2              ==> Sclérose tubéreuse

PTEN                        ==> Syndrome de Cowden

MCP2                        ==> Syndrome de Rett

NF1                            ==> Neurofibromatose

UBE3A                      ==> Syndrome Angelman

CAVNA1C               ==> Syndrome Timothy

NLGN 3.4

NRX1, 2, 3

SHANK 1, 2, 3

NBEA

Tous ces gènes ont pour effet de stimuler l’hyper plasticité cérébrale et de créer des connexions et dans certains cas de la matière grise et une augmentation des protéines synaptiques

L’hyper plasticité est le mieux démontrée concernant les porteurs de l’X fragile

NB : Les mères qui prennent de l’acide valproique (médicament antiépileptique ayant aussi des propriétés thymorégulatrices, antidépressives et anxiolytiques) autour de la 20ème semaine de grossesse ont dans 20% des cas des enfants autistes.

L’hyper plasticité est la voie finale commune à toutes les mutations impliquées par ces gènes.

Chacun de ces gènes va moduler l’allure du phénotype, et si on a de l’autisme dans chacun de ces porteurs, c’est aussi que chacun est équipé d’une sur plasticité cérébrale.

Etudes sur le sujet :

Etude

A l’hyper plasticité génétique répond la variabilité individuelle des allocations fonctionnelles

Comment relier tout ça aux pics d’habiletés cognitives ?

Comment expliquer que l’autisme soit lié à des redédications corticales

Chez les autistes, même pour une tâche simple, la sollicitation des aires visuelles et motrices primaires et associatives est plus importante que chez les personnes typiques 

Les autistes sont plus variables dans leurs allocations corticales que les personnes typiques. Ils s’offrent plus de possibilités.

Les zones d’activation cérébrale sont plus larges et plus variables dans les aires associatives que pour les personnes typiques

Que nous apprennent les redédications corticales et les pics d’habileté sur les mécanismes par lesquels il y a des redédications corticales ?

Quel est le lien entre le fait de faire avec un bout de cerveau ce que les autres font avec un autre bout de cerveau et l’autisme ?

Dans les zones de sur activation fonctionnelle, il y a création de néo tissu ! Donc s’il y a plus de tissu, il y a aussi plus de plis pour le faire tenir dans le crane.

Les sur-activations correspondent à des sur-gyrifications.

Les régions de sur fonctionnement perceptif autistique et de sur connectivité locale sont identiques.

Les autistes ont une sur connectivité locale (principalement dans les aires associatives visuelles) ==> Plus de tissu cérébral et de connexions dans ces zones du cerveau.

Ça induit aussi plus d’activité cérébrale même sans stimulations.

Les régions de sur fonctionnement perceptif autistique et de sur connectivité locale sont identiques et corrèlent avec les pics d’habileté perceptifs.

==> Lien direct avec les facultés de décodage (savoir lire sans connaître les lettres)

Il y a une sur connectivité entre zone visuelle associative et le lobe pariétal qui entraine une sur synchronie du signal. Or, plus cette zone est musclée, plus on a de capacité à décoder les lettres.

Le lien entre pic d’habileté et sur connectivité locale est avéré.

Les régions de sur fonctionnement perceptif autistique et de réorganisation fonctionnelle du cerveau sont identiques. (Phénomène propre aux aveugles et aux sourds)

Un son adressé à un aveugle congénital active les aires visuelles de manière très supérieure à une personne typique.

Les zones qui sont les plus plastiques dans le cerveau associatif perceptif qui permettent la cross modal plasticity (la réorganisation fonctionnelle du cerveau) sont les mêmes chez les aveugles que chez les autistes lorsqu’ils sur fonctionnent en voyant quelque chose.

==> C’est très encourageant pour comprendre les pics d’habileté.

En réalité les régions de sur fonctionnement autistique coïncident avec les régions de variabilité maximale dans l’espèce humaine.

Les aires associatives visuelles et les aires associatives motrices sont les 2 zones où notre cerveau à le plus de liberté et en même temps de dépendance de l’expérience pour allouer une région fonctionnelle à une certaine fonction.

Les régions qui sur fonctionnent chez les autistes coïncident avec les régions de variabilité maximale au sein de l’espèce humaine.

Le fait que ces régions soient les plus variables chez tous pourrait expliquer leur sur fonctionnement chez les autistes

Le modèle « Gâchette – Seuil – Cible – Négligence  » (Trigger – Threshold – Target – Neglect)

Cette plasticité cérébrale peut-elle expliquer et permettre de comprendre le lien entre : 

  • Variabilité génétique
  • Variabilité des allocations corticales
  • Pics d’habileté perceptifs

L’hétérogénéité du spectre autistique résulte d’un mécanisme qui expliquerait à la fois son unicité et son polymorphisme

             ==> La sur plasticité

Au lieu de sortir l’hétérogénéité de l’autisme, on fait le pari que la raison pour laquelle tous les autistes sont différents c’est aussi la raison pour laquelle il y a l’autisme.

L’hétérogénéité serait intrinsèque au concept même d’autisme.

On obtiendrait 2 grands sous-groupes en fonction de la nature des cibles plastiques.

Il faut donc étudier les différences d’allocations régionales fonctionnelles. 

Le sur développement plastique des zones perceptives pour les autistes et des zones verbales pour les Asperger monopoliserait l’entrée d’information chez les enfants au moment où se déclencherait le syndrome, entrainant en retour la sur expertise perceptive ou langagière (car ce sont des zones expériences-dépendances et si on a un comportement orienté vers un certain type d’information, on a rapidement une surexposition à ce type d’information, comme les aveugles et les sourds qui ont une sur exposition à la modalité intacte), et la négligence relative des aires verbales pour les autistes et motrices pour les Asperger.

Les aveugles n’entendent pas seulement mieux mais doivent capitaliser plus sur leur ouïe que les personnes typiques.

 Les autistes, de la même manière devront plus capitaliser sur leur perception au moins au début de leur vie.

Composant Trigger (gâchette)

C’est le déclenchement de la réaction plastique.

Les sur fonctionnements perceptifs existent dans d’autres situations qui requièrent une adaptation plastique (Cross Modal Plasticity) : 

  • Aveugles
  • Sourds

Notre cerveau est prêt aux réactions plastiques mais attend un déclencheur

Les gènes impliqués ont en commun de déclencher l’augmentation de la réponse d’un élément de la plasticité synaptique.

En réalité, ils répondent, via la plasticité cérébrale à faire face à un manque.

Composant Threshold (Seuil)

Seuil de déclenchement de la réaction plastique

Avec l’X fragile (la gâchette), il y a plus de chance d’être autiste, mais ce n’est pas suffisant, il faut un seuil de déclenchement de la réaction plastique ==> Les mêmes mutations entrainent autisme syndromique ou syndrome dysmorphique seul

Des jumeaux ne sont pas concordants à 100%.

==> Certains facteurs environnementaux pourraient aussi être à l’origine de la Cross Modal Plasticity, le hasard aussi (facteurs random)

Composant Target (Cible)

La cible de la réaction plastique

Les mêmes phénomènes de sur plasticité concernent des domaines distincts et une grande variabilité des pics d’habileté eux-mêmes définissants la variabilité des sous-groupes du DSM 4. Dans la Cross Modal Plasticity, les cibles sont déterminées par la nature de la contribution. 

  • Chez l’Asperger, la contribution sera le sur fonctionnement du langage
  • Chez l’autiste, la contribution sera le sur fonctionnement perceptif en général y compris de la perception du langage.

 La même gâchette et le même seuil peuvent conduire à bifurquer vers l’Asperger ou l’autiste et d’autres sous-groupes plus rares.

==> Mêmes sans différences génétiques, on obtient des phénotypes très différents mais qui tous se caractérisent par un hyper fonctionnement.

Les mêmes phénomènes de sur plasticité peuvent concerner des domaines distincts rendant compte ainsi de l’hétérogénéité des pics d’habileté, et ces mêmes pics d’habileté définissants les grands sous-groupes du DSM 4.

Dans la Cross Modal Plasticity, si on est aveugle on va cibler les aires visuelles et si on est sourd, on va cibler les aires auditives ==> Sur utilisation des aires qui sont libres (qui ne sont plus sensées être utilisées)

La target peut se déterminer tardivement.

Dans la Cross Modal Plasticity, les cibles sont déterminées par la nature de l’input (contribution – origine). Chez les aveugles et les sourds, on sur développe les aires intactes, laissées disponibles.

Composant Neglect (Négligence) 

==> Comorbidité TDAH/Asperger

==> Comorbidité avec ce qui ne marche pas

Les anomalies dans les comportements sociaux chez les autistes et les Asperger est une sous-expertise, une négligence du fait que l’essentiel de l’information passe ailleurs. 

Les signes sociaux du TED c’est sous motivation et expertise.

 

Sur fonctionnement ==> Expertise

Sous fonctionnement ==> Déficit 

Le binôme définit le TED 

Chez les autistes, il y a sur fonctionnement perceptif Vs Un déficit langage oral

Chez l’Asperger, il y a un sur fonctionnement du langage oral Vs Un sous fonctionnement moteur et de l’hyper activité. 

Les autistes ont des émotions mais pas pour les mêmes raisons et plutôt orientées vers leurs domaines d’intérêts.

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Le signe clinique n’est plus le déficit mais sur quelle compétence pointe le sur fonctionnement. 

L’anomalie sociale n’est plus le centre du diagnostic mais une résultante d’un sur fonctionnement par ailleurs. 

Les Asperger parle trop et trop bien ! Le TDAH trouverait son origine dans les aires frontales ! 

Si malgré sa variabilité phénotypique, l’autisme demeure détectable, c’est que cette variabilité ne modifie pas ce qu’est l’autisme : elle est inhérente à ce qui cause l’autisme.

Et si l’autisme était le nom des diverses conditions neuro-développementales dans lesquelles une réaction plastique ciblée était déclenchée génétiquement, ou in-utero ? 

Conclusion 

Les autistes se divisent en 2 gros paquets. 

Les troubles sociaux-communicatifs relèvent d’une négligence cérébrale (Neglect) et pas d’une surdité, d’un handicap cérébral.

Une piste de prise en charge : Capitaliser sur ces sur fonctionnements et laisser de côté provisoirement les déficits ==> Opposé aux méthodes ABA, TEACCH…